Jawah, Les Méandres de la pensée, Toi et toiles
La perception des couleurs en Europe et en Amérique Latine
Par Michel Pastoureau et Anne-Christine Taylor
(je suis arrivée avec une quinzaine de minutes de retard, pourtant je suis partie directement du lycée)
(voici les notes que j'en ai retiré, évidemment, elles sont à prendre avec des pincettes, et si vous voyez des erreurs, n'hésitez pas à me le signaler)
Ce genre de conférence dure environ une heure ou une heure et demi, et est partagée en deux temps : des explications données par des spécialistes, en l'occurence Michel Pastoureau et Anne-Christine Taylor, puis des questions venant d'un "présentateur" et du public .
(je précise aussi que j'ai été un petit peu déçue, parce que je pensais que cela traiterait plus de l'Amérique du Sud en général, or cette partie était focalisée sur l'Amazonie. Mais j'ai appris énormément de choses, et c'est pour ça que j'adore ces conférences !)
Michel Pastoureau
(je n'ai pas trouvé de photo de Anne-Christine Taylor)
Certains peuples n'ont que quelques termes pour parler des couleurs, mais énormément d'autres pour évoquer des nuances.
- Les Inuits n'ont que trois termes de couleurs et énormément d'autres pour évoquer les différentes nuances de blancs qui composent la neige
- Les Indiens Navajos en ont eux aussi trois, mais ils en utilisent un nombre considérable pour parler des robes
de leur bétail
Les termes pour parler de la couleur sont principalement :
- la noirceur
- la blancheur
- et la rougeur
Quand ils en utilisent d'autres, c'est pour évoquer en priorité le vert, le jaune et le bleu.
Chez les Indiens d'Amazonie les esprits sont des corps hybrides aviaires ou lumineux, à la fois noirs et lumineux, ce qui traduit un contraste visuel (pourtant observable chez certains scarabées), et ce qui met en valeur le coté divin et sacré des esprits.
(d'ailleurs, il y a eu une petite précision sur les plumes colorées des indiens d'Amazonie : ils auraient assez peu de plumes colorées au naturel, pour s'en
procurer ils plument certains oiseaux, introduisent certains poisons sous leur peau, et quand elles repoussent, elles changent chimiquement de couleur)
Quant à la perception des couleurs en Europe, il faut savoir que nous ne percevons pas les couleurs des œuvres d'art de la même façon que nos ancêtres. Il y avait une instabilité lumineuse due aux flammes des bougies qui faisaient osciller les peintures et les sculptures mais qui noircissaient aussi certaines zones des œuvres.
De la même façon, nous n'avons pas du tout le même ordre des couleurs.
Pour Aristote et les "classiques" : blanc jaune rouge vert bleu noir
Alors que notre spectre de couleurs : rouge orange jaune vert bleu violet
Il était considéré que le rouge et le vert donnaient un ensemble très doux.
Alors que mettre du vert à coté du jaune était perçu comme violent, criad, de mauvais gout et réservé aux exclus.
Tout comme les représentations des arc-en-ciel ont variés selon les époques. Au Moyen-Age ils avaient 5 couleurs maximum, 3 en général. (3 est un des chiffres représentants la généralité, tout comme le 6, le 7 ou le 12, mais les arc-en-ciel n'en ont que trois). Les arc-en ciel en Europe sont bénéfiques, symbolisent une union entre le haut et le bas, le ciel et la terre, le trivial et le sacré.
Mais en Amérique du Sud (du moins du coté des indiens) ils annoncent de mauvais présages. Et ils sont perçus sans aucune couleur, ni 3 ni 7 ni aucune autre, parce
qu'ils sont le continuum.
A propos du Moyen-Age, les blasons par exemple n'ont que 6 couleurs :
Blanc et jaune
Rouge, vert, bleu et noir
Il est estimé qu'il ne faut jamais associer ensemble les couleurs d'un même groupe.
Il faut aussi savoir que les grecs et les romains de l'antiquité avaient du mal pour nommer le vert et le bleu, surtout le bleu estimé être une couleur pour les barbares.
D'ailleurs, la couleur bleue n'a pas de racine latine, mais des racines anglo-saxonnes ("blau" => "blue" => bleu), ou des racines arabes ("azu" =>
azur).
Il n'y aurait donc pas de rapport évident entre la nomination et la perception. Si nos ancêtres ou certains peuples ne nomment pas toutes les couleurs que nous pouvons trouver en Europe, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas parce qu'ils voient moins bien que nous.
(Nous pouvons évoquer le vin blanc, qui n'a rien de blanc)
(Michel Pastoureau a également évoqué le fait que les mal-voyants distingueraient autant que nous les couleurs, ont un vocabulaire tout aussi varié que nous, sans être pourtant "capables" de voir)
Les problèmes des couleurs ne sont pas dues à des problèmes de perception, mais à des problèmes de sociaux.
Un premier exemple concerne les différences sociales.
Les classes sociales aisées vont rejeter la polychromie alors que les classes sociales plus modestes vont la préférer.
Cela s'explique notamment par la classification des couleurs selon les protestants.
Pour eux il y a d'un coté les couleurs pures : blanc noir gris brun bleu.
Et de l'autre coté, toutes les autres couleurs qui sont estimées impures.
(Ford, un des grands fabricants de voitures ne voulaient que des voitures de couleur noire, peu importe les réclamations du public et les tendances par puritanisme)
D'ailleurs, le cinéma en couleur était prêt avant la première guerre mondiale, mais comme les actions étaient détenues principalement par des protestants, il n'a été montré au publique que dans les années 1930.
Michel Pastoureau a aussi évoqué les nuances présentes dans un même langage. Il a précisé qu'en France, notamment à l'Ouest, les citadins avaient la couleur "beige" dans leur vocabulaire contrairement aux populations rurales qui désignaient le "beige" par le terme "jaune" jusqu'à assez récemment.
Quelques réponses :
A propos d'une phrase prononcée par Anne-Christine Taylor "le métissage n'est pas le mélange"
Pour elle, le métissage est le lieu de confrontation et d'élaboration de choses complexes.
A propos de la couleur pourpre du Lion des Léon
(et oui, quelque part il y a des Léon qui ont un Lion, et quelqu'un dans le public pensait que le Lion était couleur lila car dit "pourpre", mais que nenni...)
Le mot "pourpre" en latin n'a rien à voir avec notre mot pourpre à nous (personnellement mon "pourpre" à moi est rouge, mais il faut croire que certains le voient couleur lila)(après, je n'ai peut être rien compris). Le mot pourpre est en fait une couleur située entre le noir, le gris le blanc et le rouge. Parfois il évoque une sorte de gris (surtout dans le latin médiéval et en langage vernaculaire), ou de "sal mélangé".
(j'ai trouvé ça sur le dit Léon : Seigneur de Léon, et ça aussi)
A propos de l'incolore
La notion d'incolore fait aussi partie de la perception des couleurs. L'incolore est l'absence de densité ou de matière colorée.
Au Moyen-Age, l'incolore est représenté par l'absence de colorisation, ainsi, si le support est en bois, en pierre ou en parchemin, l'objet incolore sera de couleur bois, pierre ou parchemin.
A partir du 17ème siècle l'incolore est représenté par le noir.
Aujourd'hui ce serait plutôt par le gris ou le monochrome.
En Amazonie l'incolore n'existe pas. Le plus proche élément "incolore" est celui "exclu rituellement", celui qui n'est pas peint. (c'est le cas lors de la réclusion pubertaire). Il est invisible par rapport aux esprits brillants et colorés, et par rapports à ceux qui se peignent le corps, le visage.
Lili Elle