→ Comment êtes vous arrivé au journal L'Orient ?
J'ai commencé à travailler pour le jounal Le Monde quand j'étais en quatrième année à Saint Cloud.
J'avais un goût pour la bâtardise, la non conformité. Je suis entre autre parti dans les Ardèches garder des chèvres dans des communautés, c'était un peu ma période Underground. De cette expérience est sorti un livre qui a suscité un grand intérêt pour la presse. Un profil normalien agrégé de philosophie qui va en Ardèche pour changer la litière des chèvres, ça a quelque chose d'amusant. Après Le Monde, je suis entré à L'Orient. J'ai ensuite été professeur en lycées, j'avais le sentiment extrêmement heureux de redécouvrir la philosophie au contact des élèves. Et le sentiment d'avoir aussi jeune un certain pouvoir a quelque chose de limité mais de très plaisant.
J'ai ensuite découvert le bouddhisme, les penseurs indiens... Ces courants n'existent pas en Europe, alors qu'il y a pourtant de nombreux et grands textes argumentatifs. A partir de ce moment là j'ai essaié d'écrire l'histoire de cette occultation.
Je me suis rendu compte que la rencontre philosophique entre l'Inde et l'Europe était très récente (autour du 18ème siècle et regain en 1940). Cette rencontre a suscité un enthousiasme pour Schopenhauer et les romantiques allemands avec le rêve de la renaissance indienne (au même tire que la renaissance gréco-romaine. Et quand on regarde les programmes de philosophie sous la monarchie de juillet, on trouve une cinquantaine de pages sur trois cents concernant la philosophie indienne. Par contre, sous la Vème république, le sujet disparaît. Entre les deux, une découverte postérieure du bouddhisme a modifié l'image de l'Inde, faisant du bouddhisme une sorte de doctrine de l'anéantissement, une sorte d'épouvantail. On passe d'une envie de renaissance à un repoussoir mortifère et destructeur.
→ Qu'en est-il aujourd'hui de la reconnaissance de la philosophie indienne ?
Dans la perception du bouddhisme, on est passé du moins au plus dans l'imaginaire. Du gentil, serein et parfait bouddhiste on passe à un bouddhiste cauchemardesque. Mais les choses commencent à bouger. Mais nous restons dans une sorte d'ignorantisme car le bouddhisme reste une sorte de sagesse ou de spiritualité, mais pas une philosophie. Les enseignements et les manuels n'ont pas encore changé.
→ Y a-t'il des clichés réducteurs ?
Le seul fait de parler de bouddhisme au singulière est un problème car dans les langages d'origines il serait plutôt question de plusieurs bouddhismes. Bernard Faure (?) parle d'une impureté fondamentale car il y a un mélange des choses et notions.
→Que pouvez-vous nous dire sur le sanscrit et l'Inde ?
J'ai fait un voyage en Inde après avoir étudié le sanscrit et les découvertes européennes de la philosophie indienne. J'ai fait en Inde des conférences, grâce à Catherine Clément. Les Indiens n'ont pas de conservatoire de la religion et philosophie indienne en Inde.
→ Comment s'est passé votre voyage en Inde ? Avez-vous senti les nuances entre la réalité et le théorique que vous avez étudié ? Y a-t'il des chocs par rapport à la « vraie vie » ?
La réalité ne correspond pas à ce qu'on pense par définition. J'ai fait un travail sur la représentation des autres indiens. J'ai découvert la musique indienne et autres choses liées au vécu et non pas qu'aux textes. Ensuite j'ai pu faire le lien.
→ Quelle est la vision des Indiens sur les Français ?
Ce sont des affaires subjectives, mais l'Inde est un lieu où on est le plus mis en rapport avec sa mort. Il y a un effet de révélation d'une forme de vérité interne.
→ Et votre rencontre avec Bénarès ?
Elle fut très étrange. En plus, j'y suis allé quelques mois après la mort de ma mère, donc j'étais encore sous le choc de sa disparition. Je n'avais jamais vu de corps brûlés en vrai. Je comprends la description horrifiante qu'on peut faire des buchers de Bénarès, mais « ça n'est que ça » pour moi. Ce n'est ni cauchemardesque ni effroyable.
→ Votre connaissance théorique du bouddhisme vous a-t'il aidé à changer votre vision des choses ?
Je ne sais pas. J'ai une connaissance livresque en philosophie bouddhiste. Mais je ne suis pas bouddhiste, et j'ai des objections. Mais je suis intéressé par le bouleversement en Europe. Cela ne m'a ni plus ni moins aidé qu'Epicure ou d'autres philosophes grecs ou autres choses qui aident à vivre.
Bûchers de crémation de Benarès